Etape 3 : le séchage
Le séchage : la patience au cœur de mon métier de potière
Après l’étape du tournage, vient une étape que l'on oublie souvent mais qui est absolument cruciale : le séchage. Dans mon atelier Pot et Tess à Aubenas, j'ai appris à respecter ce temps d'attente. La terre a besoin de sécher à son rythme avant de passer à l'étape suivante, le tournassage. Ce temps dépend de nombreux facteurs, température, hygrométrie…et en Ardèche nous avons de grosses variations de température et d’hygrométrie suivant les saisons.
Pourquoi le séchage est une étape incontournable
Quand je démarre une pièce de mon tour de potier, la terre est gorgée d'eau. Cette humidité est indispensable au tournage, mais elle doit s'évaporer progressivement avant de pouvoir continuer le travail. Si je voulais tourner directement une pièce trop humide, elle se déformerait sous mes doigts. Et si je la laissais sécher complètement, elle deviendrait trop dure pour être travaillée au tournassage.
Le séchage jusqu'à l'état "cuir" est ce moment parfait où la terre a perdu assez d'eau pour être solide, mais garde encore suffisamment d'humidité pour être sculptée. C'est à ce stade précis que je pourrai faire le tournassage.
L'état cuir : reconnaître le moment idéal
Comment je sais que ma pièce est prête
Encore une fois, c’est l’expérience qui permet de déterminer le bon moment pour passer à l’étape suivante. La terre a changé de couleur, elle est passée d'un gris foncé brillant à un gris plus mat. Quand je touche la pièce, elle est fraîche mais ferme. Si je pose mon doigt dessus, il ne laisse plus d'empreinte profonde.
Le test que je fais souvent : je passe doucement mon ongle sur la surface. Si la terre se grave légèrement sans s'effriter, c'est le bon moment. Trop tôt et la pièce est encore molle, trop tard et la terre devient poudreuse.
Les différents niveaux de séchage
Il n'y a pas un seul état cuir, mais plutôt une fenêtre de temps où la pièce est “travaillable”. Pour le tournassage d'un bol, je préfère un cuir encore assez souple. Pour poser une anse sur une tasse, j'attends que la pièce soit un peu plus ferme. C'est une question de feeling qui s'acquiert avec l'expérience.
Les conditions de séchage dans mon atelier
L'humidité et la température de l'atelier
Le séchage est extrêmement sensible aux conditions ambiantes. En Ardèche l’été est synonyme de fortes chaleurs, les épisodes cévenols apportent leur lot d’humidité chaque automne et les hivers sont plutôt agréables, jai appris à adapter mon rythme de travail aux saisons.
Je surveille particulièrement les courants d'air et les sources vives de chaleur. Une pièce exposée à un courant d'air direct va sécher de manière inégale : un côté sera cuir pendant que l'autre reste humide. C'est la porte ouverte aux fissures et aux déformations.
Mes techniques pour contrôler le séchage
Quand je veux ralentir le séchage, je recouvre mes pièces. C'est particulièrement utile pour les grandes pièces ou quand je ne pourrai pas tourner le lendemain. La couverture emprisonne l'humidité et maintient la terre dans un état stable.
Pour les pièces fines comme mes tasses, j'utilise parfois un tissu humide sous le plastique. Cela crée une atmosphère encore plus humide et évite que les bords ne sèchent trop vite. C'est un peu comme mettre mes créations sous cloche, le temps qu'elles atteignent tranquillement l'état parfait.
À l'inverse, si je dois accélérer légèrement le séchage, je dispose mes pièces près d'une source de chaleur douce, jamais directe.
Les risques d'un mauvais séchage
Les fissures : la hantise du potier
C'est mon cauchemar récurrent : découvrir une fissure sur une pièce que je pensais réussie. Les fissures apparaissent quand le séchage est trop rapide ou inégal. La surface sèche et se contracte alors que l'intérieur est encore humide. La tension devient trop forte et la terre craque.
J'ai eu ma période d'apprentissage douloureux sur ce point. Des bols fendus, des anses qui se détachent, des fonds qui craquent. Chaque fissure m'a appris quelque chose sur la patience et l'observation.
Le séchage : un temps pour observer et anticiper
Pendant que mes pièces sèchent, je ne reste pas inactive. C'est le moment où je planifie la suite, où je prépare mes outils de tournassage, où je réfléchis aux finitions que je vais apporter. C'est aussi le temps où je peux observer mes créations sous un autre angle.
Parfois, une pièce qui me semblait réussie sur le tour me déçoit au séchage. Ou au contraire, une forme dont je n'étais pas sûre révèle toute sa beauté. Le séchage change les proportions, affine les lignes. C'est une transformation silencieuse mais essentielle.
La patience comme philosophie de travail
Dans notre monde où tout va vite, le séchage de la céramique m'impose un rythme différent. Je ne peux pas accélérer le processus sans risquer de tout gâcher. Cette contrainte est devenue une force : elle me rappelle que les belles choses prennent du temps.
Quand vous achetez une pièce Pot et Tess, sachez qu'elle a pris son temps pour naître. Entre le tournage et le tournassage, elle a eu droit à son temps de repos, à son évolution naturelle. C'est cette attention portée à chaque étape qui fait la différence entre une poterie industrielle et une céramique artisanale faite à la main.
Dans mon prochain article, je vous parlerai justement du tournassage, cette étape où je retrouve mes pièces séchées pour leur donner leur forme définitive. En attendant, si vous passez par Aubenas, venez découvrir mon atelier et toutes ces pièces en cours de séchage qui attendent patiemment leur tour.
Céramiste à Aubenas, je partage sur ce blog les secrets de fabrication de mes poteries en grès. Le séchage est une étape cruciale souvent méconnue du grand public, mais essentielle à la réussite d'une céramique artisanale de qualité.


