Etape 5 : la première cuisson “biscuit”

La cuisson biscuit : la transformation magique de la terre crue

Après le tournage, le séchage et le tournassage, mes pièces en grès ont pris leur forme définitive. Mais elles restent fragiles, cassantes, encore à l'état de terre crue. La cuisson biscuit, aussi appelée dégourdi, est ce moment où la magie opère : mes créations deviennent enfin de la vraie céramique. Dans mon atelier Pot et Tess à Aubenas, l'ouverture du four après une cuisson biscuit reste toujours un moment d'émotion.

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Qu'est-ce que la cuisson biscuit ?

La cuisson biscuit, c'est la première cuisson de mes pièces en céramique. On l'appelle "biscuit" parce qu'après cette cuisson, la terre prend une texture poreuse qui rappelle un peu celle d'un biscuit sec. Certains potiers utilisent aussi le terme "dégourdi", qui vient du fait que cette cuisson enlève l'humidité résiduelle de la terre.

Cette première cuisson se fait à une température plus basse que la cuisson finale : pour mon grès, je monte généralement autour de 980°C. C'est suffisant pour transformer chimiquement la terre sans la vitrifier complètement. La pièce devient solide, manipulable, mais reste poreuse pour pouvoir recevoir l'émail.

La préparation des pièces avant l'enfournement

Le séchage complet : une étape critique

Avant d'enfourner, je dois m'assurer que mes pièces sont parfaitement sèches. Une pièce qui contient encore de l'humidité peut exploser dans le four sous l'effet de la vapeur d'eau. C'est une règle absolue en céramique : on ne cuit que des pièces complètement sèches.

Dans mon atelier en Ardèche, je laisse mes pièces sécher au minimum une semaine après le tournassage, parfois deux en hiver quand l'humidité est plus élevée. Je vérifie en touchant : la terre doit être à température ambiante, pas fraîche. Si elle est encore un peu fraîche au toucher, c'est qu'il reste de l'humidité.

Le nettoyage avant cuisson

Avant d'enfourner, je nettoie soigneusement chaque pièce. Je passe une éponge humide pour enlever les petites poussières de terre séchée, c'est le moment des derniers ajustements esthétiques.

Je vérifie aussi qu'il n'y a pas de fissures apparues pendant le séchage. Une fissure, même petite, va s'agrandir pendant la cuisson. Mieux vaut la repérer maintenant que de découvrir une pièce fendue après des heures de cuisson.

L'enfournement : un art de l'organisation

Optimiser l'espace dans le four

L'enfournement est comme un jeu de Tetris en trois dimensions. Je dois faire rentrer un maximum de pièces tout en respectant des règles strictes. En cuisson biscuit, j'ai l'avantage de pouvoir empiler certaines pièces : des bols dans des bols, des tasses les unes dans les autres. La terre n'est pas encore émaillée, donc les pièces ne vont pas coller entre elles.

Je place toujours les pièces les plus grandes en bas, les plus petites en haut. Je laisse un peu d'espace pour que la chaleur circule bien. Chaque centimètre compte dans mon four, mais je ne prends pas de risques : une pièce qui tombe pendant la cuisson peut casser plusieurs autres pièces.

Les plaques et les supports

J'utilise des plaques réfractaires pour créer différents niveaux dans mon four. Ces plaques sont en matériau spécial qui supporte de multiples cuissons à haute température. Entre chaque niveau, je place des petits tubes de céramique qui servent de piliers. Tout doit être stable, rien ne doit pouvoir basculer.

Le cycle de cuisson biscuit

La montée en température progressive

Une fois le four chargé, je lance le programme de cuisson. La montée en température ne se fait jamais brutalement. Au contraire, elle doit être très progressive, surtout au début. Je commence par une phase de préchauffage à température douce pour éliminer les dernières traces d'humidité.

Jusqu'à 200°C, je monte lentement. C'est la phase critique où l'eau résiduelle s'évapore. Si je monte trop vite, la vapeur peut faire exploser les pièces. Après 200°C, je peux accélérer un peu la montée. Entre 500 et 600°C, il se passe une transformation chimique importante : le quartz présent dans la terre change de structure. Là encore, je prends mon temps.

Le palier et la descente

Une fois arrivée à 980°C, je maintiens cette température pendant environ une heure. C'est ce qu'on appelle un palier. Il permet d'homogénéiser la température dans tout le four et de s'assurer que toutes les pièces, même celles au centre, ont bien atteint la bonne température.

Ensuite vient la descente. Je laisse le four refroidir naturellement, sans jamais l'ouvrir. C'est long, très long. Une cuisson biscuit me prend environ 10 heures de montée et presque autant de descente. J'enfourne généralement le soir et je ne peux ouvrir le four seulement après un délai de 48 heures.

L'ouverture du four : un moment de vérité

Quand je peux enfin ouvrir mon four, c'est toujours avec une petite appréhension. Est-ce que toutes les pièces ont survécu ? Y a-t-il eu des casses ? Des fissures ? L'odeur chaude de la céramique cuite s'échappe, c'est un parfum que j'adore.

Mes pièces ont changé de couleur. Le grès gris est devenu d'un beige rosé, plus clair. Au toucher, la texture a complètement changé : la terre est devenue poreuse, elle absorbe l'humidité de mes doigts. Si je tapote un bol, il sonne creux, un son cristallin qui me dit que la cuisson est réussie.

Les surprises de la cuisson biscuit

Les réussites et les pertes

La plupart du temps, tout se passe bien. Mais parfois, je découvre une pièce fissurée, ou une déformation que je n'avais pas anticipée. Ça fait partie du métier de céramiste. Le four est imprévisible, il révèle les faiblesses que je n'avais pas vues.

Chaque perte est une leçon. Une fissure m'apprend que la pièce n'était peut-être pas assez sèche, ou que ma montée en température était trop rapide. Un affaissement me dit que mes parois étaient trop fines par rapport à la taille de la pièce. J'ajuste, j'adapte, je progresse.

La solidité nouvelle des pièces

Ce qui me fascine toujours, c'est cette transformation complète. Avant la cuisson, mes bols étaient fragiles comme de la craie sèche. Maintenant, je peux les manipuler sans crainte, les laver, les empiler. Ils ont acquis une solidité définitive.

Mais ils restent poreux, ce qui est essentiel pour la suite. Cette porosité va permettre à l'émail de bien accrocher lors de la deuxième cuisson. Sans cette cuisson biscuit, je ne pourrais pas émailler mes pièces correctement.

Après le biscuit : prêt pour l'émaillage

Mes pièces en biscuit sont maintenant prêtes pour l'étape suivante : l'émaillage et la cuisson finale qui leur donnera leur couleur et leur aspect définitif. Mais ça, c'est une autre histoire que je vous raconterai bientôt.

La cuisson biscuit est une étape invisible pour celui qui achète mes créations. Pourtant, c'est elle qui transforme la terre modelée en véritable céramique. C'est le passage du cru au cuit, de l'éphémère au durable. Chaque pièce Pot et Tess a connu ce baptême du feu avant de rejoindre votre cuisine ou votre table.

En savoir plus

Céramiste à Aubenas en Ardèche, je partage les étapes de création de mes poteries réalisées à la main. La cuisson biscuit est une transformation fondamentale qui marque le passage de la terre crue à la céramique véritable. Découvrez tous les secrets de fabrication sur le blog de Pot et Tess.

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